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Ne serait-il pas fabuleux si vous pouviez montrer au monde combien vous êtes formidable en affichant ce que vous mangez – ou ne mangez pas – sur les réseaux sociaux ?
Vu l’état actuel de polarisation de notre société, nous ne devrions pas être surpris que la simple ouverture d’un établissement de restauration rapide devienne non seulement un sujet de controverse et une actualité faisant les grands titres, mais aussi un des moyens les plus rapides de partager avec le monde votre exemple remarquable de « vertu moderne ».
Le 6 septembre 2019, Chick-fil-A a ouvert son premier restaurant à Toronto. Comme souvent avec les chaînes populaires américaines lorsqu’elles s’aventurent vers le nord pour s’implanter au Canada, Chick-fil-A a été accueilli par de longues files d’attente de clients impatients. De nombreux amateurs de poulet ont attendu, parfois jusqu’à 12 heures, pour goûter les recettes du nouveau venu sur la scène torontoise.
Mais tout le monde ne le voyait pas de cet œil. Des opposants se sont invités à l’inauguration en criant « Honte, honte ! » aux clients. Ces manifestants, qui protestaient bruyamment contre la chaîne américaine spécialiste du poulet, mettaient en avant plusieurs raisons. Un des organisateurs était le groupe d’activistes 519 basé à Toronto. La responsable des initiatives antiviolence de ce groupe, Jaymie Sampa, a déclaré : « Alors que le climat mondial et la rhétorique entourant des valeurs alimentées par la haine s’intensifient, nous luttons contre cela » (GlobalNews.ca, 5 septembre 2019). L’engagement de 519 est une réponse aux déclarations de la famille Cathy, propriétaire de cet empire du poulet, concernant leur soutien à la famille traditionnelle basée sur le mariage d’un homme et d’une femme. Des militants pour le droit des animaux se sont joints aux manifestations et certains ont même essayé de qualifier cette ouverture « d’anti-autochtone » (GlobalNews.ca, 6 septembre 2019).
En mettant de côté la terrible confusion morale chez les manifestants, il est intéressant de noter le phénomène mis en lumière par ces événements. De telles actions publiques de la part de manifestants contre des commerçants – avec du tapage et en lançant une condamnation morale, mais sans accomplissements concrets – sont clairement en hausse. À l’époque où les gens affichent des photos de leurs repas sur Instagram et font le récit de leur vie sur Facebook ou Twitter, les choix quotidiens tels que manger un sandwich au poulet ou acheter un t-shirt deviennent des occasions de déclarer le statut moral supérieur d’un individu.
Cette polarisation divise notre société et les réseaux sociaux servent de catalyseur. Alors qu’il n’a jamais été aussi facile de connaître les opinions d’un individu, un simple tweet « dénonçant » les propos politiquement incorrects d’une personne peut provoquer des appels immédiats au boycott. Lorsque le président américain Donald Trump a annoncé son intention d’assister à un événement caritatif à Beverly Hills, l’acteur Éric McCormack, originaire de Toronto, « a appelé sur Twitter le Hollywood Reporter à “bien vouloir mentionner les noms de tous ceux assistant à cette soirée, afin que nous puissions savoir clairement avec qui nous ne voulons pas travailler » (WashingtonExaminer.com, 4 septembre 2019). Plus tard, McCormack est revenu sur ses déclarations face aux accusations disant qu’il encourageait un système de « liste noire » propre au maccarthysme, mais ce genre d’attaques est de plus en plus fréquent ; et nous voyons ce comportement des deux côtés de l’échiquier politique. Ainsi, plusieurs politiciens conservateurs aux États-Unis ont déclaré publiquement sur Twitter qu’ils n’achèteraient plus jamais de chaussures Nike lorsque la marque a choisi le joueur de football controversé Colin Kaepernich pour promouvoir ses produits.
L’attrait des réseaux sociaux est évident pour ces déclarations publiques. « Dans un monde où chaque homme ou femme est un service de relations publiques à lui seul/à elle seule sur les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram et Twitter, “se pavaner” au nom de la vertu – s’offusquer mais sans engager d’action – devient pratique et gratuit » (NYTimes.com, 7 février 2017). Ça ne coûte rien et pourtant cela montre au monde quelle personne vertueuse vous êtes – montrant ce que notre société valorise désormais.
Quel est le danger de se pavaner au nom de la bien-pensance et du signalement moral ? Le risque d’un mirage n’est pas d’imaginer la présence de quelque chose qui n’existe pas, le risque est de s’écarter de la bonne trajectoire en allant poursuivre ce mirage. Voir une oasis dans le désert n’est qu’une invention de votre imagination qui n’est pas néfaste en soi. Cependant, lorsque vous croyez au mirage, le fait d’essayer de l’atteindre peut vous faire manquer des choses réelles.
Le véritable danger du signalement moral et de l’activisme sur les réseaux sociaux est la tentation subtile de croire que la vertu est définie par la sorte de sandwich que vous mangez et non par la tâche autrement plus difficile de vivre selon des règles d’honnêteté, d’intégrité et de bonne moralité. Lorsque nous nous focalisons sur les restaurants, les marques de vêtements ou les équipes sportives à éviter, les traits de caractère les plus importants risquent fortement d’être oubliés.
Il n’y a pas si longtemps, les conseillers dans les écoles secondaires donnaient l’instruction suivante : « Choisissez vos amis en fonction de leur caractère et vos chaussettes selon leur couleur. Choisir vos chaussettes en fonction de leur caractère n’aurait pas de sens et choisir vos amis selon leur couleur est impensable. » De nos jours, il semble que nous sommes encouragés à choisir nos chaussettes en fonction du caractère du concepteur, du fabricant, du revendeur, de l’agence publicitaire ou de toute autre personne impliquée dans la vente de ces chaussettes avant que vous ne les portiez.
Bien entendu, il n’y a rien de mal à faire savoir pourquoi vous ne supportez pas tel ou tel commerce. Mais nous devrions effectuer ces déclarations ou ces actions de manière équilibrée, en examinant ce que ces marques représentent ou non. Nous devrions comprendre que le fait de soutenir ou de dénigrer un établissement de sandwiches au poulet ne révèle pas grand-chose sur les vraies valeurs morales du manifestant ou du client. Un tweet révèle souvent ce que nous voulons que les autres pensent de nous, mais – en réalité – cela dit peu de choses sur qui nous sommes vraiment. Lorsque nous succombons à nos propres efforts de relations publiques, nous risquons d’être confus à notre propre sujet et sur nos valeurs morales
Bien que le signalement moral atteigne désormais des extrêmes, le concept en lui-même n’a rien de nouveau. Jésus réprimandait souvent les dirigeants religieux de Son époque qui se pavanaient de la même manière qu’aujourd’hui. Voyez une accusation sérieuse contre ce type de comportement : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux au-dehors, et qui, au-dedans, sont pleins d’ossements de morts et de toute espèce d’impuretés. Vous de même, au-dehors, vous paraissez justes aux hommes, mais, au-dedans, vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité » (Matthieu 23 :27-28). Dieu n’est pas impressionné par l’apparence extérieure d’une supériorité morale et vous ne devriez pas non plus y prêter attention.
Le prophète Michée a décrit les valeurs morales que Dieu veut voir en vous : « On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien ; et ce que l’Éternel demande de toi, c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu » (Michée 6 :8).
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