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La traduction de la Bible en français

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Plus d’une centaine de traductions françaises de la Bible sont disponibles. Comment choisir la meilleure d’entre elles, celle qui est la plus proche des textes originaux ?

Nous lisons dans Actes 17 :11 que les Juifs de Bérée « reçurent la parole avec beaucoup d’empressement, et ils examinaient chaque jour les Écritures, pour voir si ce qu’on leur disait était exact ». À cette époque, ils avaient accès aux textes originaux de l’Ancien Testament, rédigés en hébreu.

Jésus-Christ a promis que Ses paroles « ne passeront point » (Matthieu 24 :35) et « la parole de notre Dieu subsiste éternellement » (Ésaïe 40 :8). Nous croyons fermement que les écrits bibliques originaux (en hébreu et en grec) sont parfaits, véritables et fiables, car « c’est poussés par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu » (2 Pierre 1 :21) et « toute Écriture est inspirée de Dieu » (2 Timothée 3 :16).

Cependant, comme le dit un ancien adage italien : « Traduire, c’est trahir. » Il est donc légitime de se demander quelle traduction de la Bible utiliser en français, car il est parfois difficile de s’y retrouver parmi les dizaines de versions proposées dans les librairies. Pour traiter ce sujet, nous allons commencer par retracer l’histoire de la première Bible en français traduite à partir des textes originaux.

Un livre traduit

La Sainte Bible fut rédigée entre le 15ème siècle av. J.-C. et le 1er siècle apr. J.-C. sous l’inspiration divine. L’Ancien Testament (AT) fut rédigé en hébreu, avec quelques passages en araméen, tandis que le Nouveau Testament (NT) fut écrit en grec.

Dès le début de l’ère chrétienne, il devint nécessaire de traduire l’Ancien Testament pour ceux qui ne parlaient pas hébreu. Des traductions en latin virent également le jour pour ceux qui ne parlaient ni l’hébreu ni le grec. Pendant des siècles, la Bible fut seulement disponible dans ces trois langues : l’hébreu, le grec et le latin.

À partir du 11ème siècle apr. J.-C., les premières versions (souvent partielles) de la Bible en français furent en réalité des « retraductions » qui étaient basées sur les textes de la Septante (traduction en grec de l’AT) ou de la Vulgate (traduction en latin de l’AT et du NT).

La Bible d’Olivétan

Au 16ème siècle, plusieurs ministres du culte « estiment nécessaire de préparer une édition de la Bible en français, dont la traduction aurait pour point de départ les textes hébreu, araméen et grec. Il leur semble illogique de traduire la Vulgate, qui est elle-même une traduction » (Delforge, page 62).1

L’homme qui accomplira cette tâche s’appelle Pierre Robert, surnommé l’Olivétan. Né à Noyon, dans l’Oise (France), vers 1506, il étudia les langues anciennes à Strasbourg et à Orléans, avant de devenir maître d’école. Il travailla ensuite comme professeur à Neuchâtel (Suisse) et dans le Piémont (Italie).

Après le synode vaudois de Chanforan (1532), deux réformateurs suisses convainquirent Olivétan d’entreprendre la première traduction de la Bible en français à partir des textes originaux. « Fin 1533, ou début 1534, Olivétan se met à l’ouvrage, consacrant tout son temps et toutes ses forces à ce travail jamais entrepris avant lui » (Delforge, page 65). Il traduisit l’Ancien Testament à partir des textes originaux massorétiques et le Nouveau Testament à partir des manuscrits grecs des textes byzantins.

Publiée en 1535, la Bible d’Olivétan ne connut pas un grand succès commercial, car elle fut imprimée en écriture gothique bâtarde (difficile à lire et ne comportant ni accents ni virgules) – une écriture qui devint obsolète quelques années plus tard. Olivétan lui-même aurait souhaité que sa traduction soit publiée en caractères romains (que nous utilisons toujours en français), dont il vantait les mérites dès 1533 dans son livre Instruction des enfants.

De 1535 à 1538, il publia d’autres travaux sur la Bible, dont une révision des Psaumes qui inaugura l’emploi du terme « Éternel », au lieu de « Seigneur » (employé dans la Septante et la Vulgate). Il reprit en parallèle son activité d’enseignant à Genève. Au cours d’un voyage en Italie, il mourut à Rome, en août 1538.

Une langue pauvre

De nos jours, nous avons l’habitude de considérer le français comme une langue « riche ». Mais saviez-vous qu’en réalité notre langue est « pauvre » si nous la comparons aux langues anciennes ?

Olivétan fut rapidement confronté à ce problème lorsqu’il étudia l’hébreu et le grec ancien. Dans la préface de la Bible de 1535, il écrivit qu’il hésita même à entreprendre ce projet à cause de « la pauvreté de la langue française. À côté de l’éloquence hébraïque et grecque, elle fait piètre figure. Elle “n’est que barbarie” à leur égard. Olivétan illustre son opinion en utilisant une image relevant de l’ornithologie : passer de l’hébreu ou du grec au français, c’est comme si l’on “voulait enseigner le doux rossignol à chanter le chant du corbeau enroué” » (Delforge, page 64).

Rappelez-vous qu’à cette époque, le français n’avait pas encore acquis ses lettres de noblesse. Il faudra ainsi attendre l’ordonnance de Villers-Cotterêts, en 1539, pour que les actes et les arrêts du royaume de France commencent à être rédigés en français.

À l’époque, comme de nos jours, il arrivait fréquemment qu’il n’existât pas d’équivalent exact en français et le traducteur devait choisir le mot le plus proche, en y ajoutant éventuellement un adjectif pour préciser le sens du mot original. Cette relative « pauvreté » de la langue française explique pourquoi nous nous référons régulièrement aux mots originaux en hébreu et en grec dans nos publications.

Par exemple, les mots hébreux ’ahabah (affection, amitié ; Jérémie 31 :3), checed (bonté, miséricorde ; Ésaïe 63 :7), chaphets (apprécier, prendre plaisir ; Osée 6 :6), ’aheb (amour humain ou sexuel selon le contexte ; 1 Rois 11 :2), dowd (plaisirs sensuels ; Proverbes 7 :18), ainsi que les mots grecs agape (amour divin inconditionnel ; 1 Jean 4 :8), philadelphia (amour fraternel ; Romains 12 :10), thelo (désirer, souhaiter ; 1 Corinthiens 14 :19) et philandros (amour envers son mari ; Tite 2 :4) sont tous traduits par « amour » ou « aimer » dans ces versets (traduction Louis Segond). Cette liste n’est pas exhaustive !

Une excellente traduction

Malgré toutes ces contraintes, Olivétan essaya d’effectuer « “la plus vraie et la plus sûre translation” qui soit possible […] Il présente son labeur comme une offrande à Dieu, afin que l’Église puisse lire une traduction complète et satisfaisante des écritures » (Delforge, pages 73 et 65).

Sans être parfaite, la traduction de Pierre Robert Olivétan est considérée comme une des meilleures versions ayant existé en français.

Édouard Reuss (1804-1891), grammairien et professeur de théologie, n’hésita pas à déclarer « que l’Ancien Testament d’Olivétan est non seulement une œuvre d’érudition et de mérite, mais un véritable chef-d’œuvre » (Lortsch, page 124).2

Paul Stapfer (1840-1917), écrivain, critique littéraire acerbe et professeur de littérature, a écrit : « Olivétan est le seul traducteur protestant français qui ait été vraiment impartial » (Lortsch, page 139).3

L’héritage d’Olivétan

Au cours des trois siècles suivants, peu de choses évoluèrent dans la traduction de la Bible en français. La plupart des versions publiées pendant ces années-là restèrent basées sur la Septante, la Vulgate ou la traduction d’Olivétan.

En 1560, la Bible de Genève de Jean Calvin reprit majoritairement la traduction de la Bible d’Olivétan, révisée à son tour par Théodore de Bèze et Corneille Bertram (Bible de l’épée, 1588), David Martin (1707), Jean-Frédéric Ostervald (1744) et bien d’autres.

Il existe désormais une centaine de traductions différentes en français. Dès lors, comment choisir la « bonne » traduction, celle qui est la plus proche des textes originaux ?

Des critères de sélection

La première étape consiste à appliquer un certain nombre de critères afin de restreindre la liste de départ. Ces principaux critères sont : une traduction à partir des textes originaux (hébreu et grec), une traduction intégrale comprenant à la fois l’Ancien et le Nouveau Testament, ainsi qu’une volonté d’effectuer une traduction impartiale. Pour des raisons pratiques, un autre critère est d’employer une version facilement trouvable dans le commerce.

Il est important de comprendre qu’il n’existe pas de traduction parfaite. Seuls les textes originaux en hébreu et en grec, rédigés sous l’inspiration divine par les auteurs de la Bible, sont parfaits. Le travail d’un traducteur sera toujours influencé par sa culture, sa religion et son niveau d’éducation, même s’il s’efforce de rester le plus neutre et le plus impartial possible.

De plus, certains mots n’ont pas la même connotation d’une langue à l’autre ; d’autres ont plusieurs acceptions possibles ou plusieurs synonymes. Il revient alors au traducteur de choisir le mot le plus approprié, au risque de modifier très légèrement le texte original. Ainsi, même lorsqu’il n’y a aucune volonté de trahison de la part du traducteur, c’est parfois un exercice nécessaire.

En recherchant la (ou les) meilleure(s) traduction(s) de la Bible en français, nous essayons en réalité de trouver le meilleur compromis entre tous ces critères.

Jean-Frédéric Ostervald

En 1744, le pasteur suisse Jean-Frédéric Ostervald publia une révision de la Bible de Genève, elle-même basée sur la Bible d’Olivétan. D’un naturel modeste, Ostervald commença cette révision à l’âge de 80 ans et il ajouta parfois des notes indiquant « la possibilité de versions différentes […] ce qui évite de laisser croire que “la” version d’Ostervald est “la bonne” version ». Le but d’Ostervald n’était pas « de mieux rendre le sens des textes hébreu et grec, mais d’actualiser le vocabulaire et le style. Il remplace “les eaux coies” par “les eaux tranquilles” (Ps 23, 2) » (Delforge, page 185).

En 1707, David Martin avait entrepris un travail similaire, mais la révision d’Ostervald connut un succès fulgurant dans le monde francophone grâce à « la réputation de son auteur, pasteur et professeur connu et apprécié » (Delforge, page 186).

De nos jours, les révisions de Martin et d’Ostervald sont facilement trouvables en ligne. La révision d’Ostervald est également disponible en version papier.

John Nelson Darby

À partir du milieu du 19ème siècle, nous assistons à un regain d’intérêt pour la traduction de la Bible à partir des textes originaux. Un des instigateurs de ce mouvement fut John Nelson Darby.

Né à Londres en 1800, Darby renonça à devenir avocat, car il pensait que cela n’était pas compatible avec sa foi et il devint pasteur. Il fut à l’origine du « dispensationalisme » et il popularisa la fausse doctrine de l’enlèvement (pour en savoir plus à ce sujet, lisez notre article “Croyez-vous à l’enlèvement ?”, paru dans la revue du Monde de Demain de juillet-août 2014).

En revanche, dans son travail de traduction de la Bible, Darby fit preuve d’une neutralité remarquable. Maîtrisant l’usage de six langues (anglais, français, allemand, italien, hébreu et grec ancien), Darby traduisit la Bible entière en français et en allemand, ainsi que le Nouveau Testament en anglais. Une première traduction en français du NT fut publiée en 1859, puis la Bible complète en 1885, trois ans après sa mort.  

Sa traduction « se caractérise par son littéralisme. Quand il le faut, de courtes notes donnent le sens précis de certains mots ou de quelques expressions du texte grec » (Delforge, page 228). « Le traducteur est resté conservateur […] Faite d’après les mêmes principes que la version de Lausanne, [sa traduction] est d’un littéralisme plus habile, plus scientifique et souvent plus heureux » (Lortsch, page 148).

Charles Porret, professeur de théologie à l’université de Lausanne, a écrit : « C’est cette traduction qui me paraît répondre le mieux à ce que désirent ceux qui cherchent la reproduction aussi exacte que possible de l’original sans que la langue soit trop sacrifiée » (Lortsch, page 148).

Louis Segond

De père français et de mère suisse, Louis Segond étudia les sciences naturelles, la médecine et la religion. Détenteur d’un doctorat en théologie, il enseigna l’hébreu et l’exégèse de l’AT à Genève et à Strasbourg.

En 1864, la Compagnie des pasteurs de Genève lui demanda d’effectuer une traduction originale de l’AT qu’il acheva en 1871 (publiée en 1874). Une version qui « reste encore le chef, malgré de nombreuses, de trop nombreuses faiblesses de traductions et surtout des amollissements du texte […] on doit reconnaître qu’elle a ouvert une ère nouvelle dans l’histoire des versions françaises » (Lortsch, pages 149-150).

Segond prit ensuite l’initiative de traduire le NT qu’il acheva en 1880, un travail de niveau élevé, mais qui « ne vaut pas [la] traduction de l’Ancien. Elle équivaut à une révision moyenne d’Ostervald » (Lortsch, page 150). 

Plus tard, son texte fut révisé par une commission d’experts et publié en 1910. Il s’agit de la Bible Segond 1910.

Une autre révision importante fut publiée en 1979 sous le titre de Nouvelle édition de Genève (NEG). La Société biblique de Genève a « apporté un certain nombre de retouches, tenant compte des modifications intervenues sur un plan linguistique ».4 Cette version est simple à lire, employant un français actuel, tout en restant fidèle au travail original de Louis Segond.

Notons aussi la révision dite « à la Colombe », parue en 1978, destinée à redonner une approche plus littérale à cette traduction. Selon Frank Michaeli, docteur en théologie qui a supervisé cette révision, « des modifications sont intervenues dans deux cas : celui où la connaissance actuelle des textes originaux permet une meilleure traduction ; celui où l’évolution de la langue française rend indispensable une nouvelle formulation » (Lortsch, page 249).

Les versions simplifiées

Une tendance actuelle est de « simplifier » (parfois à outrance) le langage utilisé dans la Bible. Les principales versions répondant à cette attente sont la Bible en français courant, Parole de Vie et Segond 21. Cette simplification conduit parfois à des imprécisions ou des approximations.

Dans le même ordre d’idée, la version Segond 21 convertit toutes les unités de mesure anciennes afin d’utiliser le système métrique. Cela présente l’avantage d’avoir une idée immédiate des distances et des poids, mais cela peut aussi enlever des informations précieuses. Par exemple, les dimensions de la Nouvelle Jérusalem données en kilomètres font perdre toute la symbolique liée au nombre 12 (voir Apocalypse 21).

Il s’agit de versions d’études qui peuvent s’avérer utiles pour mieux assimiler le sens d’un verset, mais « ce genre de version doit être complété par des traductions qui permettent au lecteur de savoir exactement ce qu’il y a dans l’original » (Lortsch, page 251).

Quelle version choisir ?

Parmi les traductions présentées dans cet article, laquelle est la meilleure : Ostervald, Darby ou Segond ? Au Monde de Demain, nous avons pris la décision d’utiliser la Bible Louis Segond, car cette traduction offre l’un des meilleurs compromis entre le texte original et une utilisation agréable du français moderne. Elle possède également un aspect pratique non négligeable : être facilement accessible et diffusée à grande échelle.

Comme je l’ai déjà mentionné, il n’existe pas de traduction parfaite. Ces trois versions possèdent beaucoup de qualités et peu de défauts, mais il est important de ne pas être dogmatique en cherchant à établir une hiérarchie stricte entre les bonnes versions de la Bible. En fait, il est même souhaitable de posséder une version additionnelle à celle de votre choix, afin d’acquérir une compréhension plus précise du texte.

Au-delà d’une bonne traduction, n’oublions pas que le plus important pour les disciples du Christ reste de mettre en pratique ce qu’ils y lisent, car « l’homme [ou la femme] ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matthieu 4 :4).

1 La Bible en France et dans la francophonie, Frédéric Delforge, Publisud / Société biblique française
2 Histoire de la Bible française, Daniel Lortsch, édition augmentée 1984 mise à jour par Jules-Marcel Nicole, Librairie-Éditions Emmaüs
3 Revue chrétienne, 1900, page 287 ; cité dans Histoire de la Bible française, Daniel Lortsch
4 “Préface”, Nouvelle Édition de Genève, 24ème édition, 2004, page vii

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