Pour faire une recherche avancée (rechercher des termes dans un type de publication précis), entrez les mots en suivant la syntaxe présentée dans les exemples ci-dessous :
Certains lecteurs nous demandent parfois quelle version de la Bible utiliser en français. Cette interrogation est tout à fait légitime, car il est parfois difficile de s’y retrouver entre les dizaines de versions proposées dans les librairies. Pour traiter ce sujet, nous allons commencer par retracer l’histoire de la première Bible en français traduite à partir des textes originaux.
La Sainte Bible fut rédigée entre le 15ème siècle av. J.-C. et le 1er siècle apr. J.-C. sous l’inspiration divine. L’Ancien Testament (AT) fut rédigé en hébreu, avec quelques passages en araméen, tandis que le Nouveau Testament (NT) fut écrit en grec.
Dès le début de l’ère chrétienne, il devint nécessaire de traduire l’Ancien Testament pour ceux qui ne parlaient pas hébreu. Des traductions en latin virent également le jour pour ceux qui ne parlaient ni l’hébreu ni le grec. Et pendant des siècles, la Bible fut seulement disponible dans ces trois langues : l’hébreu, le grec et le latin.
Pour approfondir l’histoire ancienne de la Bible, contactez-nous afin de recevoir gratuitement la première leçon de notre Cours de Bible, « La Bible : Un livre pour aujourd’hui ! » et notre brochure La Bible : Réalité ou fiction ?
À partir du 11ème siècle apr. J.-C., les premières versions (souvent partielles) de la Bible en français furent en réalité des « retraductions » qui étaient basées sur les textes de la Septante (traduction en grec de l’AT) ou de la Vulgate (traduction en latin de l’AT et du NT).
Au 16ème siècle, plusieurs ministres du culte « estiment nécessaire de préparer une édition de la Bible en français, dont la traduction aurait pour point de départ les textes hébreu, araméen et grec. Il leur semble illogique de traduire la Vulgate, qui est elle-même une traduction » (La Bible en France et dans la francophonie, Frédéric Delforge, page 62).
L’homme qui accomplira cette tâche s’appelle Pierre Robert, surnommé l’Olivétan. Né à Noyon, dans l’Oise (France), vers 1506, il étudie les langues anciennes à Strasbourg et à Orléans, avant de devenir maître d’école. Il travaillera ensuite comme professeur à Neuchâtel (Suisse) et dans le Piémont (Italie).
Après le synode vaudois de Chanforan (1532), deux réformateurs suisses convainquirent Olivétan d’entreprendre la première traduction de la Bible en français à partir des textes originaux. « Fin 1533, ou début 1534, Olivétan se met à l’ouvrage, consacrant tout son temps et toutes ses forces à ce travail jamais entrepris avant lui » (Delforge, page 65). Il traduisit l’Ancien Testament à partir des textes originaux massorétiques et le Nouveau Testament à partir des manuscrits grecs des textes byzantins.
Publiée en 1535, la Bible d’Olivétan ne connut pas un grand succès commercial, car elle fut imprimée en écriture gothique bâtarde (difficile à lire et ne comportant ni accents ni virgules) – une écriture qui devint obsolète quelques années plus tard. Olivétan lui-même aurait souhaité que sa traduction soit publiée en caractères romains (que nous utilisons toujours en français), dont il vantait les mérites dès 1533 dans son livre « Instruction des enfants ».
De 1535 à 1538, il publia d’autres travaux sur la Bible, dont une révision des Psaumes qui inaugure l’emploi du terme « Éternel », au lieu de « Seigneur » (employé dans la Septante et la Vulgate). Il reprit en parallèle son activité d’enseignant à Genève. Au cours d’un voyage en Italie, il mourut à Rome, en août 1538.
De nos jours, nous avons l’habitude de considérer le français comme une langue « riche ». Mais saviez-vous qu’en réalité notre langue est « pauvre » si nous la comparons aux langues anciennes ?
Olivétan fut rapidement confronté à ce problème lorsqu’il étudia l’hébreu et le grec ancien. Dans la préface de la Bible de 1535, il écrivit qu’il hésita même à entreprendre ce projet à cause de « la pauvreté de la langue française. À côté de l’éloquence hébraïque et grecque, elle fait piètre figure. Elle “n’est que barbarie” à leur égard. Olivétan illustre son opinion en utilisant une image relevant de l’ornithologie : passer de l’hébreu ou du grec au français, c’est comme si l’on “voulait enseigner le doux rossignol à chanter le chant du corbeau enroué” » (Delforge, page 64).
Rappelez-vous qu’à cette époque, le français n’avait pas encore acquis ses lettres de noblesse et il faudra attendre l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539 pour que les actes et les arrêts du royaume de France soient rédigés en français.
À l’époque, comme de nos jours, il arrivait fréquemment qu’il n’existe pas d’équivalent exact en français et le traducteur devait choisir le mot le plus proche, en y ajoutant éventuellement un adjectif pour préciser le sens du mot original. Cette relative « pauvreté » de la langue française explique pourquoi nous nous référons régulièrement aux mots originaux en hébreu et en grec dans nos publications.
Par exemple les mots hébreux ’ahabah (affection, amitié ; Jérémie 31 :3), checed (bonté, miséricorde ; Ésaïe 63 :7), chaphets (apprécier, prendre plaisir ; Osée 6 :6), ’aheb (amour humain ou sexuel selon le contexte ; 1 Rois 11 :2), dowd (plaisirs sensuels ; Proverbes 7 :18), ainsi que les mots grecs agape (amour divin inconditionnel ; 1 Jean 4 :8), philadelphia (amour fraternel ; Romains 12 :10), thelo (désirer, souhaiter ; 1 Corinthiens 14 :19) et philandros (amour envers son mari ; Tite 2 :4) sont tous traduits par « amour » ou « aimer » dans ces versets (traduction Louis Segond) – et cette liste n’est pas exhaustive !
Malgré toutes ces contraintes, Olivétan essaya d’effectuer « “la plus vraie et la plus sûre translation” qui soit possible […] Il présente son labeur comme une offrande à Dieu, afin que l’Église puisse lire une traduction complète et satisfaisante des écritures » (Delforge, pages 73, 65).
Sans être parfaite, la traduction de Pierre Robert Olivétan est considérée comme une des meilleures versions ayant existé en français.
Édouard Reuss (1804-1891), grammairien et professeur de théologie, n’hésita pas à déclarer « que l’Ancien Testament d’Olivétan est non seulement une œuvre d’érudition et de mérite, mais un véritable chef-d’œuvre » (Histoire de la Bible en France, chapitre 13.3.2, Daniel Lortsch).
Paul Stapfer (1840-1917), écrivain, critique littéraire acerbe et professeur de littérature, écrivit : « Olivétan est le seul traducteur protestant français qui ait été vraiment impartial » (Revue chrétienne, 1900, page 287).
Pendant les trois siècles suivants, peu de choses évoluèrent dans la traduction de la Bible en français. La plupart des versions publiées pendant ces années-là restèrent basées sur la Septante, la Vulgate et la traduction Olivétan.
En 1560, la Bible de Genève de Jean Calvin reprit majoritairement la traduction de la Bible d’Olivétan, révisée à son tour par Théodore de Bèze et Corneille Bertram (Bible de l’épée, 1588), David Martin (1707), Ostervald (1744) et bien d’autres.
Dans notre prochain article, nous étudierons le regain d’intérêt pour la traduction de la Bible à partir des textes originaux dès le milieu du 19ème siècle, nous parlerons des traductions plus modernes et nous vous présenterons quelques-unes des meilleures versions disponibles de nos jours.
Lire la deuxième partie de cet article : Quelle Bible utiliser en français ?